Pensionnaire du Vendée U depuis deux saisons, Rayan Boulahoite va passer professionnel chez TotalEnergies en 2025. Le coureur de classique de 20 ans avait déjà fait un stage cet été au sein de l’équipe managée par Jean-René Bernaudeau.
Champion d’Île-de-France à deux reprises (2018 et 2022), Rayan Boulahoite (20 ans) a gravi les échelons jusqu’à rejoindre l’équipe Vendée U Pays de la Loire en 2023, connue pour être la réserve de jeunes de TotalEnergies. Passionné par le cyclisme, un de ses premiers challenges date de 2020 lorsqu’il décide de récolter des fonds pour la lutte contre le cancer en ralliant Conflans-Sainte-Honorine à Mèze. Aujourd’hui, son défi est d’allier ses études de commerce avec sa vie de sportif. Son année 2024 est digne d’une montagne russe, il revient pour TotalVelo sur ce moment charnière de sa carrière.
TotalVelo : Pour ceux qui ne te connaissent pas, tu te définis comme quel type de coureur ?
Rayan Boulahoite : Je suis plutôt un coureur de classique même si je n’en ai pas fait beaucoup dans les catégories jeunes. J’ai aussi un bon punch dans les bosses de 3 à 5 minutes et je ne suis pas trop mauvais au placement. Cette année va être une grande découverte pour préciser mes caractéristiques.
Tu as aussi une belle petite pointe de vitesse, est-ce que c’est quelque chose que tu aimerais améliorer dans le futur ?
Oui, ça pourrait être une idée. Une grande partie des courses se finissent au sprint et elles sont tellement dures que les coureurs arrivent très fatigués. Comme je suis un coureur endurant, si j’ai une meilleure pointe de vitesse ça pourrait m’aider à aller chercher des plus gros résultats.
Rayan Boulahoite : « C’était une perche que m’a tendue l’équipe pour que je puisse faire mes preuves »
Cette année, tu vis ta deuxième saison avec le Vendée U, tu lèves les bras à plusieurs reprises, en août tu deviens stagiaire dans l’équipe professionnelle avant une chute qui met fin à ta saison. En septembre la concrétisation, tu es recruté pour la saison 2025. Comment as-tu vécu cette année pleine de rebondissements ?
Comme gros objectif, j’avais Paris-Roubaix (en espoir) en début de saison, mais malheureusement, j’ai eu des problèmes mécaniques, c’est le jeu de Roubaix. J’ai enchaîné avec l’Estivale Bretonne que j’ai pu gagner, la coupe de France où je fais un podium et puis le Tour du Maroc qui a été une bonne expérience sur 10 jours. Ça m’a permis de voir comment mon corps réagit après plusieurs étapes. Après le championnat de France, j’ai su que j’allais être stagiaire (pour TotalEnergies). C’était une perche que m’a tendue l’équipe pour que je puisse faire mes preuves et ça l’a fait.
Tu as parlé du tour du Maroc où tu as gagné une étape, c’est quoi ton plus beau souvenir de la saison ?
Il y en a pas mal. Je pense que c’est toute la période entre le moment où je gagne sur le Tour du Roumois jusqu’au Tour du Limousin. J’étais en grande forme en enchaînant deux victoires en une semaine et juste après, je fais mes débuts chez les pros. C’était une période où je me sentais bien.
Justement qu’as-tu retenu de ce stage avec l’équipe TotalEnergies ?
C’est une toute autre manière de travailler, même les scénarios de courses sont différents. Il y a une meilleure organisation, c’est plus cadré. Certes je n’ai fait que trois courses, mais il y a aussi les à-côtés. Tout le travail qu’on fait au niveau de la récupération. Déjà que c’est très professionnel au Vendée U, j’ai pu voir encore une amélioration chez TotalEnergies.
Est-ce que tu as pu commencé à créer des liens avec certains coureurs ou même avec des membres du staff ?
Oui à l’image du Vendée U et de son esprit familial, j’ai été vite intégré avec les anciens comme Paul Ourselin, Geoffrey Soupe et Julien Simon avec qui je m’entends très bien. Puis aussi les plus jeunes comme Jordan Jegat qui m’a fait part de son expérience, c’est un super gars. J’ai rencontré des personnes bienveillantes aussi au niveau des directeurs sportifs. J’ai eu Lylian Lebreton qui était mon « DS » durant la Vuelta Madrid espoir. On s’est retrouvé ensuite sur la Polynormande et le Tour du Limousin. C’est quelqu’un qui est assez proche de ses coureurs et qui met en confiance. Je suis content d’avoir ces liens-là avec toute l’équipe.
Rayan Boulahoite : « Il y a une ambiance particulière qui fait qu’on se sent chez soi »
Cet esprit familial dont tu parles, c’est quelque chose que tu recherchais pour passer chez les professionnels ?
Ce n’est pas parce que c’est plus familial que c’est moins pro. Il y a une ambiance particulière qui fait qu’on se sent chez soi, mais ça ne nous empêche pas d’être sérieux. Quand j’ai été blessé, j’ai reçu des messages des coureurs et du staff régulièrement. Il y a un très bon suivi et ça fait forcément plaisir. C’est là que je me suis dit que si un jour, je peux rejoindre l’équipe ça serait sans hésiter parce qu’elle colle à mes valeurs. Maintenant j’ai hâte de commencer !
Pendant ce stage, tu as eu une lourde chute qui t’a éloigné du vélo pendant plusieurs semaines, comment as-tu vécu ce coup d’arrêt ?
C’était très difficile mentalement. Au-delà de la douleur physique à laquelle on est habitué à force de tomber, il fallait prendre le temps de se reconstruire. C’était dur de voir les courses à la télé sans pouvoir y prendre part. Finalement, j’ai pris mon mal en patience, j’ai eu des nouvelles de l’équipe qui m’ont annoncé que j’allais les rejoindre. Ça a permis que ma convalescence soit un peu moins douloureuse.
Est-ce que tu as eu peur que cette chute entache ton expérience avec l’équipe ?
Bien sûr, je pense que n’importe qui l’aurait été parce qu’on est dans une phase de notre carrière où on a besoin de prouver pour rejoindre l’échelon supérieur. Surtout que j’avais eu à peine le temps de participer à la Polynormande et à la première étape du Tour du Limousin. J’avais à cœur de montrer beaucoup plus malheureusement c’est la course parfois c’est les autres qui tombent et parfois c’est toi. Malgré la chute, on m’a tout de suite rassuré en me disant que l’issue serait plutôt favorable.
Tu as été la première recrue officialisée par l’équipe, quand l’as-tu appris ?
Ce sont des dates assez rapprochées. L’info s’est précisée fin août début septembre. Ils m’ont expliqué qu’ils tenaient vraiment à lancer les jeunes du Vendée U en premier. C’était une fois de plus à leur image de mettre l’accent sur la jeunesse. On a tous rêvé d’être cycliste pro un jour et que ça soit mon tour c’est le top.
As-tu déjà commencé à réfléchir à la saison prochaine pour te fixer des objectifs personnels ?
Pour le moment j’essaye de retrouver un niveau correct après la blessure. Mais c’est sûr que j’ai essayé de visualiser les courses auxquelles je pourrais participer. J’aimerais bien faire un maximum de classiques comme toutes les courses en Belgique, Roubaix mais aussi toutes les courses en Bretagne. Ce sont des courses qui me font rêver et qui colle à mes qualités. Ce serait aussi bien de faire quelques courses par étapes pour avoir différentes approches. Cette année, c’est de la découverte donc je ne me donne pas de limite pour voir jusqu’où mon niveau me mènera.
Rayan Boulahoite : « Je suis prêt à me donner à 200 % parce que je sais que je peux avoir confiance en mes leaders »
Est-ce que l’équipe t’a présenté ton futur rôle au sein de TotalEnergies ?
On n’a pas encore trop abordé le sujet, mais j’imagine bien qu’ils comptent sur moi pour protéger les leaders. Au Vendée U, on a déjà l’habitude de se sacrifier pour les copains donc le faire chez TotalEnergies sera naturel pour moi. On voit chez UAE des coureurs qui pourraient être leaders dans n’importe quelle équipe et qui se sacrifient complètement pour leur leader. Quand on a des gars comme Jeannière ou Turgis, si on arrive à bien les épauler, ils peuvent aller chercher des gros résultats. Je suis prêt à me donner à 200 % parce que je sais que je peux avoir confiance en mes leaders.
TotalEnergies a eu des précédents noms comme Brioche la Boulangère, Bouygues, Europcar … est-ce que l’équipe représente quelque chose de particulier pour toi ?
À travers les différents noms que tu as pu citer, les exploits de Thomas Voeckler, de Pierre Rolland, les maillots jaunes et les victoires sur le Tour rien que cette année avec Anthony Turgis c’est vraiment source d’inspiration. Ce n’est pas incompatible d’avoir un esprit de famille et d’être compétitif au plus haut niveau. Ça montre à quel point quand on est attaché à nos valeurs et qu’on fait le maximum pour tout optimiser, on peut atteindre le top niveau du cyclisme mondial.
Comment est venue cette passion du cyclisme et le déclic de se dire maintenant je veux devenir pro ?
C’était un peu par hasard, petit, je faisais du foot et après une blessure à la cheville, j’ai dû m’arrêter pendant quelques mois. Pendant la récupération, j’ai fait du vélo et en même temps, je regardais le Tour de France. Je me suis inscrit au club de ma ville puis petit à petit les courses sont arrivées. Même si je finissais dernier, j’aimais cette sensation de vitesse et de souffrances qu’on peut voir sur le vélo. Dès les cadets, on a l’ouverture sur le monde pro avec des équipes qui viennent recruter de plus en plus tôt. Je me suis mis à faire du vélo sérieusement pour atteindre ce but tout en restant sérieux d’un point de vue scolaire.
Rayan Boulahoite : « Même si je finissais dernier, j’aimais cette sensation de vitesse et de souffrances »
Ce n’est pas trop difficile d’allier études et courses, comment y parviens-tu ?
S’il y a en qu’y sont arrivés avant alors pourquoi pas moi ? Puis on sait jamais, si j’étais tombé plus lourdement ma carrière se serait arrêtée brutalement et j’aurais plus entendu parler de sport. J’aurais été bien content d’avoir encore mes études. Mes parents ont toujours été là pour me soutenir de ce côté-là, mais c’est sûr que ça ne facilite pas la tâche pour passer pro. Des fois, c’est compliqué quand on fait 4-5 heures de vélo et qu’après on doit aller en cours. La concentration n’est pas la même.
Est-ce qu’il y en a un sportif qui est un modèle pour toi ?
Je pense à un gars comme (Wout) van Aert. C’est un exemple exceptionnel de résilience à l’état pur. Il a eu beaucoup de blessures où il a dû travailler pour revenir. Il a eu une chute (sur la Vuelta) mais je suis convaincu qu’il va retrouver son meilleur niveau. Les sportifs qui n’ont pas forcément un parcours linéaire et sans accroc mais qui arrivent toujours à se relever, c’est encore plus inspirant.
Rayan Boulahoite : « Elle (Paris-Roubaix) est imprévisible et c’est ce qui la rend mythique »
À quelle course tu rêves de participer et celle que tu aimerais gagner ?
Ce serait un rêve de faire le Tour, de traverser la France, de souffrir dans la montagne et de pourquoi pas jouer quelque chose. Sur les Champs-Élysées de voir toute ma famille, mes amis et mes proches vu que j’habite pas trop loin de Paris ça serait une superbe fête à l’arrivée. Paris-Roubaix est celle que j’aimerais gagner parce que c’est une course qui m’a toujours fait rêver. Je suis réaliste, c’est difficile de concurrencer des gars comme van der Poel, van Aert ou pourquoi pas un Pogacar dans le futur. Mais j’ai un penchant pour cette course, elle est imprévisible et c’est ce qui la rend mythique.
On a eu une année assez excitante avec parfois des résultats prévisibles mais des scénarios de courses intéressants. Est-ce qu’il y a une course qui t’a marqué ?
Toutes les classiques qui ont été dominés par van der Poel (E3 Saxo Classic, Tour des Flandres et Paris-Roubaix), malgré sa domination, on voit un beau spectacle avec des attaques de loin. C’est des courses très nerveuses où ça frotte beaucoup et au-delà de son exploit c’est de voir à quel point ça roule vite de bout en bout.
Rayan Boulahoite : « Plus l’adversité est grande, mieux je me porte même »
Tu parlais de ces raides en solitaires, on a un autre spécialiste (Tadej Pogacar) qui vient de nous faire une démonstration sur les Championnats du monde, quel regard portes-tu sur lui ?
C’est un coureur exceptionnel, je ne pense pas qu’on va en avoir beaucoup dans l’histoire des coureurs comme ça. Pogacar, il n’y a pas de mot pour le décrire. On s’attendait à une attaque lointaine de sa part mais 100 km de l’arrivée, c’était risqué. Avec du recul, il avait peu de solutions. Je ne sais pas si j’aurais l’occasion de courir contre lui l’an prochain parce qu’il fait très peu de course et on ne fait pas les mêmes.
Ça serait une envie de faire une course avec lui parce qu’il y a peut-être le côté plaisir mais tu sais aussi que ça sera une course plus compliquée que prévu s’il est dans la startlist ?
Bien sûr, ça rajoute de la difficulté mais moi, ça a toujours été dans mon éducation de me mesurer à l’adversité. Déjà tout jeune, mon père m’inscrivait sur les courses les plus dures de l’Île-de-France. Plus l’adversité est grande, mieux je me porte même si je sais que je vais passer un mauvais moment sur le vélo à l’instant T. Ça va s’avérer bénéfique pour la suite, ça pourrait être une opportunité de prendre de l’expérience et de s’améliorer. Tout est bon à prendre.