Le départ du Tour de France approche vite, les coureurs et les équipes peaufinent les derniers détails de leur préparation. Tous espèrent que le plan mis en place depuis des semaines permettra d’arriver au top à Bilbao. Les leaders ont notamment passé beaucoup de temps en altitude pour gagner de précieux points de forme. TotalVelo a voulu savoir pourquoi ces stages en altitude sont devenus si déterminants pour réussir dans le Tour.
Les passionnés de vélo qui suivent les stars du peloton toute la saison le savent : ils passent de plus en plus de temps en altitude pour préparer leurs objectifs. Si les longs séjours en montagne apparaissent aujourd’hui comme la norme, ils étaient encore l’exception il y a quelques années. C’est l’équipe Sky, dans sa logique globale des « gains marginaux », qui a ouvert la voie au début de la décennie 2010, quand elle dominait le Tour de France. Elle a contribué à faire du volcan Teide (Tenerife) le lieu de rendez-vous des cyclistes en quête de forme. Le Teide, la Sierra Nevada, Tignes, Sestrières, l’Etna, Font-Romeu… Voici les destinations les plus prisées.
Des stages en altitude pour exposer le corps au stress hypoxique
L’entraînement en altitude n’est pas un thème nouveau dans le cyclisme ou dans l’histoire du Tour de France. C’est un sujet assez ancien qui a aussi sa part d’ombre, si on se rappelle l’ère du dopage à l’EPO et aux autotransfusions. Les bienfaits de l’entraînement en hypoxie (quand la baisse de la pression atmosphérique en altitude rend l’oxygène moins disponible) sont bien connus sur la performance. L’idée est de soumettre l’organisme suffisamment longtemps au stress hypoxique pour déclencher des mécanismes de compensation physiologiques. Un séjour prolongé (au moins deux semaines) en altitude (au-delà de 1 800 m) va stimuler la production de globules rouges, qui assurent le transport d’oxygène des poumons vers les muscles.
Des stages en mai-juin pour construire la forme en vue du Tour de France
Le cycliste part en altitude dans l’espoir de gagner des points de forme, d’améliorer son endurance, sa VO2 max, ses capacités cardio-respiratoires. Ces effets positifs vont durer plusieurs semaines à la sortie du stage. Sa programmation doit donc respecter un timing parfait en vue de l’objectif. Pour préparer le Tour de France, les équipes ont l’habitude de partir au mois de mai pour des camps d’entraînement de 2-3 semaines. Elles peuvent aussi organiser des stages-rappels sur un format plus court à la mi-juin, pour entretenir la forme et le phénomène d’adaptation physiologique à l’altitude.
Stage en altitude pour préparer le Tour de France : la méthode « living high-training low »
Les camps d’entraînement en altitude ne sont pas réservés aux seuls grimpeurs. Un Christophe Laporte, par exemple, a passé un maximum de temps en altitude depuis son arrivée chez Jumbo-Visma, pour préparer les classiques et le Tour de France – avec le succès qu’on connaît. Les équipes sélectionnent un groupe de coureurs bien ciblé, le « noyau dur » qui doit se retrouver sur la course à venir. Le stage favorise aussi le collectif, la cohésion. Les coureurs dorment et passent leur temps libre à l’hôtel d’altitude, en hypoxie. Ils cumulent les heures de selle et les mètres de dénivelé à l’entraînement. Ils suivent leurs exercices d’intensité au bas des cols – les gros efforts en haute altitude sont plus rares et toujours dosés.
Des stages en altitude à risque…
Le but du stage en altitude est de « choquer » l’organisme, pour provoquer une réaction physiologique favorable. S’il y a choc, il existe aussi un risque de bousculer la mécanique subtile de l’athlète. Un séjour d’oxygénation éprouve l’organisme et un temps d’acclimatation est toujours nécessaire. Et tous les coureurs ne réagissent pas de la même manière. Certains ont testé et n’ont jamais renouvelé l’expérience, comme Jean-Christophe Péraud ou Sebastien Reichenbach, parce que leur corps subit, sans jamais s’adapter. Un stage en altitude ne s’improvise pas et nécessite un suivi médical précis. On contrôle le taux de fer avant de partir et la fréquence cardiaque au réveil. On réajuste l’hydratation et les apports énergétiques une fois en haut. « Si tu es déjà un peu malade ou fatigué et que tu vas en altitude, je pense que tu ne t’en remettras pas », a expliqué Felix Gall en marge du stage de l’équipe AG2R Citroën en Sierra Nevada, courant mai.
«Je pense surtout que c’est le stage en altitude après le Giro qui s’est mal déroulé avant le Tour. Pourtant, je n’avais pas le sentiment d’être totalement vidé après le Giro, au contraire. Peut-être que mon corps avait encore besoin de récupérer et cela n’a pas été suffisamment le cas en altitude »
Mathieu van der Poel à propos de sa méforme dans le Tour de France 2022
David Gaudu peut-il rectifier le tir après son raté sur le Dauphiné ?
À l’approche du Tour de France 2023, c’est le cas David Gaudu qui interroge. Le stage en altitude sur le Teide, en mai, expliquerait son niveau décevant du Dauphiné. « Quand on est sur une ligne de crête, on a toujours l’ambition d’aller un petit peu plus haut, et parfois on rajoute une petite chose et on va un chouïa trop loin », a expliqué Philippe Mauduit. Le curseur de travail aurait été poussé trop fort, alors que le leader de la Groupama-FDJ n’était peut-être pas dans les meilleures dispositions, après ses allergies du mois d’avril. Faut-il en conclure que son Tour de France est compromis ? Les dés sont-ils déjà jetés en fonction du déroulement du stage en altitude ? Les premières étapes au Pays basque donneront un verdict rapide.
Plus de stages en altitude, moins de courses de préparation
Certains coureurs semblent ne plus avoir besoin de courses de préparation, parce qu’ils sont immédiatement compétitifs au retour du stage. Cette saison, Remco Evenepoel était sans rival sur Liège-Bastogne-Liège à la sortie d’un long séjour en altitude. Les classicmen de la Jumbo-Visma ont fait une razzia sur le début des Flandriennes après leur stage de début de saison. La tendance va vers une multiplication et un allongement des stages en altitude au fil de la saison, ce qui entraîne une diminution des jours de course. Roglic n’avait que 14 jours de compétition au départ du Giro, Laporte n’en comptera que 16 au départ du Tour, 25 pour Vingegaard. À cet égard, la situation de Tadej Pogacar, écarté des pelotons depuis Liège, n’inspire pas trop d’inquiétude.