Après 13 saisons passées au plus haut niveau mondial, Romain Bardet raccrochera définitivement sa bicyclette au terme du Criterium du Dauphiné, le 15 juin prochain. Le grimpeur tricolore s’est confié au micro d’Eurosport, notamment quant à sa vision du cyclisme moderne.
Romain Bardet (34 ans) s’apprête à entamer le dernier chapitre de sa carrière de cycliste professionnel qui s’achèvera au terme du Critérium du Dauphiné 2025, le 15 juin prochain. Au lendemain du Critérium de Saitama (Japon), l’Auvergnat s’est entretenu avec Eurosport France. A cette occasion, le porteur du 1er maillot jaune du Tour de France 2024 est revenu sur sa saison, mais sur le phénomène Tadej Pogacar et sa vision du cyclisme actuel qui, selon lui, flirte de plus en plus avec les limites.
🇫🇷 Incroyable Romain Bardet, premier maillot jaune du Tour de France 2024 ! #TotalVelo #TDF2024 #LesRP https://t.co/kAXIS84WvE
— TotalVelo (@total_velo) June 29, 2024
Romain Bardet : « L’impression d’avoir fait le tour »
Comme à son habitude, Romain Bardet trouve les mots justes pour illustrer l’état d’esprit qui est le sien depuis maintenant quelques année. « Il me fallait extérioriser une situation et un sentiment qui étaient sous-jacents depuis de longs mois. J’ai souhaité relancer ma carrière après avoir quitté la formation AG2R mais j’étais parti sur un cycle de deux ans. Dès que j’ai passé mes 30 ans, j’ai fonctionné sur le court terme. J’ai pu me projeter sans avoir besoin de le cacher. J’ai toujours eu cette idée de me dire de ne pas faire ce qu’on appelle l’année de trop. On a beau changer pas mal d’ingrédients au quotidien, on se trouve après 13 ans en World Tour dans une certaine routine. J’ai l’impression d’avoir un peu fait le tour et surtout exploré l’ensemble de mes capacités. »
Un début de Tour de France 2024 rêvé…qu’avait ciblé Romain Bardet !
Lorsqu’on demande à Romain Bardet le regard qu’il porte sur l’exploit réalisé à Rimini en compagnie de Frank van den Broek, son équipier au sein de la DSM-firmenich PostNL, le grimpeur français révèle qu’il avait spécifiquement visé le week-end d’ouverture du Tour. « Ca été le scénario rêvé, mais pas vraiment une surprise. Le résultat est exceptionnel mais dans l’approche et dans le plan que je me faisais de ce premier week-end, j’ai nourri énormément d’ambition sur ce week-end d’ouverture, je savais que c’était pour moi la scène idéale sur ce Tour. Mais pouvoir le mettre en pratique et que les conditions extérieures soient réunies au bon moment pour que ça se concrétise, ce sont des choses qui n’étaient pas sous mon contrôle. »
Romain Bardet : « Mes limites physiques sont atteintes »
La raison principale de Romain Bardet de mettre un terme à sa carrière ne sont pas tant les sacrifices, mais plutôt la sensation d’avoir en quelque sorte atteint les limites. « Ce sont surtout mes limites physiques qui ont été, je pense, atteintes. Je peux toujours faire des résultats mais je ne remporterai plus de nombreuses courses chaque année. Il y avait la volonté d’anticiper un peu un déclin qui est inévitable et aussi d’être en rapport avec mes valeurs, mon éthique, mon hygiène personnelle et ma conception du métier qui n’est plus totalement en phase avec celle de mon milieu. »
Renier sa véritable nature afin de briller dans les classements généraux
Romain Bardet concède volontiers avoir mis de côté son tempérament offensif afin de briller dans les classements généraux, un choix que l’Auvergnat ne regrette en aucun cas. « Dans ma carrière, je me suis battu pour ce qui était certainement le plus noble, à savoir les classements généraux des plus grandes courses du monde. Mais pour y arriver, j’ai dû mettre en sourdine ce côté un peu plus primaire de courir à l’instinct. J’ai renié ma nature. Je ne le regrette pas, ça m’a permis de faire deux podiums sur le Tour mais j’avais un niveau physique qui m’aurait permis de gagner davantage d’étapes et de belles courses en suivant mes pulsions. »
Romain Bardet : « La saison de Pogacar ? J’en fais abstraction… »
Lorsqu’on interroge Romain Bardet à propos de l’invraisemblable saison réalisée par l’ogre Tadej Pogacar, le grimpeur tricolore se montre quelque peu circonspect. « Je ne sais pas quoi répondre. J’en fais abstraction. Honnêtement, ce n’est pas la même catégorie de poids. Je suis étonné mais, à la fois, il a mis bout à bout l’immense potentiel qu’on voyait en lui. Apparemment, il ne savait pas s’entraîner. Maintenant, il sait. Il met bout à bout un potentiel qu’on a vu ces dernières années sur ses deux premiers Tour de France qu’il gagne sur la classe. Il est tellement supérieur, c’est difficile à expliquer. Je ne passe pas beaucoup de temps à chercher des explications. Même en étant contemporain et dans le milieu, on a le sentiment de ne pas vraiment être un de ses adversaires. »
Romain Bardet, à propos du monoxyde de carbone : « Ca peut expliquer la trajectoire de certains qu’on ne connaissait pas il y a un an »
« J’ai appris l’utilisation du monoxyde par la presse. Je n’ai jamais eu écho de quoi que ce soit mais à la fois, je ne serais pas surpris. Il y a tellement de recherches qui sont faites avec l’idée d’optimisation de la performance. Ce n’est pas étonnant qu’il y ait certains chercheurs, certaines équipes, acteurs du vélo qui recherchent ailleurs. Il y aura toujours la volonté de rechercher des avantages concurrentiels. C’est comme les cétones, c’est sujet à l’interprétation. Comme les règles ne sont pas clairement édictées, il ne faut pas s’étonner des possibles déviances. Le monoxyde de carbone peut expliquer la trajectoire de certains qu’on ne connaissait pas il y a un an, un an et demi, mais c’est aussi un procès un peu facile à leur faire sans s’intéresser à leur trajectoire. »